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Un roman formidable : « Auprès de moi toujours »

Couverture de roman

Écrit à l'origine en anglais par l'écrivain britannique Kazuo Ishiguro, ce roman s'appuie sur une astuce (= un artifice, un procédé) littéraire très simple : le monde décrit ressemble terriblement au nôtre, mais n'est pas le nôtre. Et de là naît très rapidement une sorte de malaise (délicieux pour le lecteur) qui ira en s'amplifiant à mesure que le "secret" sera dévoilé, pudiquement, en toute simplicité, presque banalement ; de là, encore, la fascination étrange que suscite le récit, lent, minutieux, d'une très grande maîtrise dans l'écriture.

Dans ce récit, nulle révolte, presque aucun conflit entre les personnages (mais aucune platitude dans la description de leurs relations, subtilement explorées), juste l'évolution psychologique depuis l'enfance jusqu'aux dix premières années de l'âge adulte d'un groupe d'enfants "particuliers", élevés avec grande bienveillance par des "gardiens" dans une institution où la vie est douce et protégée. Tout est raconté par Kath, l'une de ces enfants, qui, adulte, se retourne sur son passé, sans qu'il soit dit clairement pourquoi elle fait cette démarche : on la sent à la recherche de sens, poussée aussi par une volonté de partage (elle s'adresse parfois au lecteur). En fait, Kazuo Ishiguro, avec grande délicatesse, nous met face à des questions majeures : qu'est-ce qui fait de nous des humains ? Comment réagir face à ce que la société accepte comme une évidence, mais qui pose un vrai problème éthique pour peu qu'on y réfléchisse ? Des questions majeures donc, mais sans jamais se montrer didactique ou moraliste, sans AUCUNE lourdeur, sans recherche d'effets sinon celui de ne pas en faire, avec une finesse extraordinaire, toute teintée de mélancolie, et en laissant le lecteur libre de réfléchir.

Un grand texte, assurément, mais exigeant du lecteur patience et empathie ! Pour ma part, la fascination réelle qu'a exercée le récit sur moi m'a conduit sans aucun ennui au terme de l'histoire, mais j'ai lu (ensuite) ici ou là que la lecture avait été un peu longuette pour certains.

Je ne connaissais pas cet écrivain, et ce sont les projecteurs du Prix Nobel de Littérature 2017 qui ont attiré mon attention sur lui. Je ne suis pas vraiment déçu ! En outre, la langue de la traductrice du roman anglais ("Never let me go", 2005) est simple et limpide : je suis incapable de juger de la qualité de la traduction, mais elle sied bien au propos. Merci donc à Anne Rabinovitch.

Je ne suis pas un grand angliciste –loin s'en faut !–, mais je trouve le titre anglais vraiment intéressant : "Ne me laisse jamais partir !" ; à la fois semblable à un refrain de chansonnette un peu sotte, et chargé d'un sens tout particulier quand on a lu le livre, puisque le thème du départ définitif y est très présent !

  

>> Pour aller plus loin :

  
>> Quelques critiques du roman :

  
>> Film d'après le roman : “Never let me go”
(Mark Romanek, GB-USA, 2010)