Un film à savourer

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Affiche

Une troupe d’acteurs qui change peu d’un film à l’autre — comme une famille qu’on connaît bien (Ascaride, Darroussin, Demoustier...) —, le paysage des Calanques provençales, l’accent du sud mais pas trop. Résumé comme ça, le film n’est peut-être pas bien engageant.

Et pourtant, quel beau film, tellement revigorant : un bain d’humanisme ; une cure de générosité ; pas de ceux nés (peut-être) de la gentillesse, pas de ceux qui dégoulinent ou qui s’arborent ; non ! De cet humanisme qu’on choisit pour bien vivre... Je ne le cacherai pas : je vais AUSSI voir les films de Guédiguian pour "me rincer la cervelle". Et puis, ici, s’ajoute une grosse pincée de nostalgie ("c’était mieux avant", parfaitement assumé), de regards embués quand on évoque ce qu’on a fait, nostalgie qui peut aller jusqu’à préférer quitter la scène parce qu’il y a quelque chose qu’on ne peut plus assumer dans les options actuelles... Guédiguian aurait-il les yeux mouillés ? C’est nouveau !

Nous voilà donc, en cet hiver provençal, chez un vieux qui a été frappé par, semble-t-il, un grave accident cérébro-vasculaire : c’est (presque) une plante verte désormais, et ses enfants surtout (deux frères et une sœur qui ont déjà pas mal vécu), mais quelques vieux voisins aussi, se retrouvent à "la villa" autour de lui. Les retrouvailles ne vont pas de soi, parfois après de longues années sans s’être vus. Des histoires se dévoilent, des blessures jamais cicatrisées passent les barrières des lèvres, des choix de vie sont réaffirmés.

L’on n’est pas seulement entre vieux, pourtant : l’un des frères a une bonne amie dont il pourrait presque être le père, un jeune pêcheur est fou-amoureux depuis sa tendre enfance de la sœur de la fratrie réunie autour du vieux père à la tête "partie", les vieux voisins ont un fils médecin et chef d’entreprise dont ils sont fiers mais dont ils refusent que dépendent leurs vieux jours... Les heurts de générations s’expriment, avec intelligence, sans esprit de démonstration : c’est enthousiasmant à regarder, à écouter ; jusque dans les silences...

Ce petit monde ne vit pas en vase clos : les soldats du plan Vigipirate sont dans les parages, l’arrivée de migrants est évoquée en arrière-plan (on est au bord de la Méditerranée)... Et les idéaux vont se confronter, une fois encore (il y a de vieux militants de gauche dans la bande !), à la réalité quotidienne rude de "gens perdus"...

Ce n’est pas du Pagnol, non : c’est du Guédiguian, mais un peu sombre, un peu ensoleillé, comme la Provence en hiver. Et c’est prenant !