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... “Morceau de vie”, comme on dirait «morceau de viande»

La juge

“Ni juge, ni soumise” : nul n'ignore le clin d’œil à un slogan célèbre, mais c'est un drôle de titre quand même ! Car ce film documentaire de Jean Libon et Yves Hinan suit bien une juge d'instruction belge d'expression française durant plusieurs années. Elle n'est certes guère soumise, mais elle est bien juge ! Ce titre aurait-il été choisi pour plonger plus sûrement le spectateur dans la rapide amnésie grâce à laquelle il oublie qu'il est bien en face d'une vraie juge ?

L'intérêt du film, outre de nous montrer la justice belge via un pan de ses coulisses (l'instruction a lieu AVANT tout procès), réside tout entier dans le personnage de cette juge : truculente, jamais avare de bons mots, même dans les situations sordides qui sont évoquées, cette femme respire un certain bonheur de vivre ; sa gouaille en fait un vrai personnage, par-delà la personne sur laquelle le film se montre totalement discret. A l'image de sa 2CV, la femme paraît toute simple, mais totalement consciente de son importance dans les rouages de la société. Située au carrefour des enquêtes policières et des entretiens avec les prévenus, elle permet d'entrer sans se pincer le nez dans ces mondes parallèles faits de violence (familiale), de sexe à la petite semaine, d'horreur ordinaire : sa jovialité fait tout passer — à condition d'accepter un vocabulaire et des récits "pas piqués des vers", toutefois —, et les dialogues semblent parfois comme sortis d'une pièce de théâtre burlesque.

C'est acide, mais jamais au vitriol ; plutôt comme un bonbon fort en goût ! Et c'est, surtout, l'occasion de passer un excellent moment de cinéma, avec peut-être l'opportunité de réfléchir à ce monde qu'on connaît souvent peu : médiocre, vilain, et pourtant d'une forte humanité (de celle qui sent fort ?)...

/!\ Attention, quand même : le propos n'est pas politiquement très correct ! ♠♠♠ (j'ai lu ici et là nombre de commentaires accusant le film qui de ne pas respecter la dignité des prévenus, qui de stimuler le racisme, qui d'oblitérer la gravité des faits mis sous les feux des projecteurs...)